« L’autre qui bat en nous ». Ce vers, extrait d’un poème de Denise Desautels et tiré du recueil Disparaître : autour de 11 œuvres de Sylvie Cotton, incarne l’esprit de la prochaine édition du festival Québec en toutes lettres, qui se tiendra du 16 au 26 octobre 2025 dans la Vieille Capitale. Poète majeure, Denise Desautels construit depuis plus de 40 ans une œuvre poétique marquée par la mémoire, le deuil et l’intime. La Fabrique culturelle est allée à la rencontre de l’écrivaine, pour explorer avec elle les fils qui tissent ses ouvrages en constante écoute du monde.
Lieu de rencontre
À l’image de sa poésie, Denise Desautels s’exprime avec calme et précision. Elle parle de la vie comme de la mort sans détour ni grandiloquence, animée par une passion intacte pour l’écriture. C’est à travers les pertes qu’elle tente de composer. Ses propos sont souvent ponctués d’anecdotes, faisant allusion à des amis, à des artistes, à des complices; ceux et celles qui peuplent son quotidien autant que ses livres. Car chez elle, les liens humains sont essentiels.
Cette ouverture à l’autre se manifeste aussi dans les nombreuses collaborations qu’elle poursuit depuis plusieurs années, notamment avec des artistes visuels. Denise Desautels évoque une enfance marquée par le décès de son père alors qu’elle était toute jeune, de même qu’un désir de liberté qui s’est imposé très tôt, avec le besoin de dire et chercher un espace plus vaste où exister. L’écriture s’est révélée ce lieu possible, à la fois sécuritaire et étranger. C’est aussi ce qui l’a poussée à devenir une voyageuse et à rechercher « ce dépaysement [et] l’étrangeté », comme elle le nomme, qu’amène le voyage.
Un besoin d’écriture
Pour Denise, l’écriture naît rarement de certitudes; elle avance plutôt à partir d’un besoin. « C’est ce que permet pour moi la poésie : aller chercher ce qui questionne et qui étonne, et le ramener dans une écriture de l’étonnement », confie-t-elle. L’écrivaine cherche aussi à maintenir cet élan d’inattendu dans les formes qu’elle explore, évitant d’en reprendre une déjà utilisée. Chaque livre devient ainsi une occasion de renouvellement, d’un risque assumé.
La passion de Denise Desautels pour l’art est palpable. Qu’elle parle de poésie ou d’arts visuels, son enthousiasme se révèle vif, communicatif, tandis que ses sources d’inspiration s’avèrent multiples et vivantes. Elle fait état de ses collaborations avec chaleur, comme des rencontres décisives, choisies par coups de foudre. Pour elle, il faut que quelque chose circule, comme une affinité ou une forme de nécessité. Ce sont ces élans qui nourrissent l’écriture. « C’est comme si, chaque fois, le hasard me ramène à moi », dit-elle. Car s’il y a une ouverture à l’autre, chaque projet partagé comporte un effet de miroir : chacun ou chacune redécouvre sa propre voix à travers le prisme de l’œuvre de l’autre, cet « autre qui bat en nous »…
50 ans au Noroît
En avril dernier, Denise Desautels publiait Elle, Ulysse : un retour, un nouveau livre qui marque un jalon important, celui de ses 50 ans de publications avec Le Noroît. Depuis son tout premier recueil, paru en 1975, elle est restée fidèle à cette maison, qu’elle a vu évoluer au fil des décennies, tout en conservant son esprit de liberté et son engagement pour la poésie. Un attachement rare, qui souligne sa façon d’habiter le monde littéraire, c’est-à-dire avec cette volonté constante de faire de la poésie un lieu d’ouverture.
Dans les livres de Denise Desautels comme dans sa façon d’être, on trouve cette même ouverture à ce qui vibre, à ce qui surprend. En plaçant ses mots au centre de cette édition de Québec en toutes lettres, le festival souligne non seulement la portée d’un parcours poétique important, mais aussi la vitalité d’une voix toujours en mouvement.
Photo de Denise Desautels par Marc-André Foisy